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Solitude : souffrance ou richesse intérieure ? Une exploration entre psychologie, histoire et philosophie

Un article pour compléter mon dernier podcast diffusé sur Fréquence Mistral : https://www.frequencemistral.com/Chronique-de-Nairi-Boudet-Sexotherapeute-La-Solitude_a16080.html


Dans les récits que j'entends à mon cabinet, la solitude est tantôt évitée, tantôt recherchée, souvent effrayante mais aussi nécessaire. De la même manière, dans l’histoire des idées, des cultures et des disciplines, la solitude est tout sauf univoque. C'est pourquoi j'ai choisi ici de croiser les regards de la psychologie, de l’anthropologie, de la sociologie, de la philosophie et de l’histoire pour essayer d'en comprendre les ressorts profonds… et peut-être, de réconcilier la solitude avec la vie intérieure, l’amour et le soin.


Solitude et culture : une perspective anthropologique


Contrairement à une idée reçue, la solitude n’est pas un simple repli sur soi. L’anthropologie contemporaine, à travers les travaux de Leo Coleman (The Handbook of Solitude: Psychological Perspectives on Social Isolation, Social Withdrawal, and Being Alone) montre que même le retrait du monde s’inscrit dans une logique sociale. Dans de nombreuses cultures, la solitude est ritualisée, encadrée, valorisée. Elle peut être un temps nécessaire de transformation, de maturation ou de passage.

Coleman parle de « solitude ethnographique » pour décrire ces périodes de retrait temporaire au cours desquelles l’observateur, ou le sujet, se replie pour mieux comprendre, pour se repositionner. Ainsi, la solitude devient un outil de connaissance, un espace intermédiaire entre soi et les autres.


Solitude moderne


Du côté de la sociologie, Cécile Van de Velde décrit la solitude comme un phénomène social croissant dans les sociétés contemporaines. Marquée par la mobilité, la compétition et l’individualisme, notre époque favorise des formes d’isolement invisibles. Nous sommes hyperconnectés, mais souvent privés de liens profonds.

L’article de Joel Santos sur l’archéologie de la solitude montre que cette dernière est toujours historiquement située. Être seul dans une société communautaire ou dans une grande métropole ne signifie pas la même chose. Notre solitude moderne est souvent le reflet d’une culture qui valorise la performance plus que l’appartenance.


Une histoire de la solitude


Pendant des siècles, la solitude était soit un privilège spirituel (comme chez les moines), soit un état marginalisé. Le livre A History of Solitude de David Vincent montre comment, dès le XVIIe siècle, la solitude devient peu à peu une expérience valorisée : Montaigne, Rousseau, Thoreau en font un chemin de vérité, un outil d’autonomie.


Ce basculement est lié à la montée de l’individualisme moderne. Avec l’urbanisation et le capitalisme industriel, l’individu se détache des communautés "traditionnelles". La solitude devient une condition de la modernité. Mais elle se transforme aussi : de pratique introspective, elle devient parfois une obligation structurelle. Le capitalisme contemporain, comme le décrit Byung-Chul Han, fabrique des individus autonomes mais isolés, poussés à l’auto-optimisation sans réel ancrage collectif.


La solitude vue par la philosophie


Dans une perspective philosophique, la solitude devient un espace de vérité. Karl Bian distingue la solitude subie de la solitude choisie : l’une est source de souffrance, l’autre, de régénération. Heidegger, Gadamer ou encore Arendt ont tous pensé la solitude comme un moment où l’être humain, dégagé du tumulte social, entre en relation véritable avec lui-même.

Hannah Arendt va même plus loin : penser, dit-elle, c’est être deux avec soi-même. Il ne s’agit pas de fuir le monde, mais de cultiver une présence à soi qui rend ensuite possible une présence à l’autre. La solitude, dans cette optique, n’est pas un isolement mais un entraînement à la relation véritable.


Solitude et relation : enjeux thérapeutiques


Dans la pratique de la thérapie de couple ou de la sexothérapie, la solitude surgit souvent comme une plainte ou une peur. Mais elle peut devenir un levier. Reconnaître l’importance de la solitude choisie, apprendre à l’accueillir comme un espace personnel, c’est aussi permettre à chacun de se retrouver, détendu et libre, dans le lien.

Certaines études récentes, menées sur les populations réfugiées ou dans le champ du design thérapeutique, montrent que la solitude volontaire peut être source de réparation. En couple, apprendre à être seul sans se sentir abandonné, c’est renforcer la confiance et la maturité du lien.


En conclusion, la solitude n’est ni une défaillance ni un idéal. Elle est une expérience humaine fondamentale, ambivalente, riche de sens. Dans un monde bruyant et connecté, réapprendre à être seul peut devenir un acte de réappropriation de soi.

Car c’est parfois dans le silence de la solitude que se recompose la capacité d’être avec l’autre !

solitude : souffrance ou richesse intérieure ?

 
 
 

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