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Quand le consentement est flou : ce que j'entends en tant que thérapeute

Cet article fait des liens entra ma pratique de sexothérapeute et thérapeute de couple et l'excellente série de podcasts "Après Mazan" produite par Binge Audio


Voici les liens vers les 4 différents épisodes de la série documentaire






La série de podcasts « Après Mazan », réalisée par Naomi Titti et diffusée dans « Les Couilles sur la table », propose une analyse complexe de notre société traversée par des formes de violence sexuelle banalisées, systémiques, et largement impensées.


Le point de départ est glaçant : une femme, Gisèle Pelicot, droguée par son mari, est violée par une cinquantaine d’hommes sur plusieurs années, dans un village du Vaucluse (Mazan).

Mais l’enjeu du podcast n’est pas tant de revenir sur les faits que de comprendre comment tout cela a été possible.


Quels ressorts sociaux, psychiques, institutionnels rendent ces violences tolérables, voire invisibles, aux yeux d’un groupe tout entier ?


En toile de fond, la question du consentement hante chaque épisode. Et c’est justement là que les travaux de la philosophe Manon Garcia apportent un éclairage essentiel. Dans On ne naît pas soumise, on le devient, puis dans La conversation des sexes, elle déconstruit l'idée d'un consentement entendu comme un simple "oui" ou "non" individuel et volontaire.


Elle montre que, dans une société où les femmes apprennent très tôt à se rendre disponibles, aimables, conciliantes, le consentement peut être le fruit d’une soumission incorporée, et non d’un véritable choix. C'est cette forme de "consentement sans désir" qui est au cœur de nombreuses expériences sexuelles subies et pourtant non nommées comme telles.


Dans ma pratique de sexothérapeute et de thérapeute de couple, je rencontre souvent des personnes qui, sans avoir été victimes de violences explicites, se sentent trahies par leur propre passivité, ou prisonnières d'un schéma où l'on dit oui sans vraiment vouloir. L'analyse de Manon Garcia permet de mettre en mots ce flou, cette zone grise entre désir et contrainte, qui nourrit le mal-être et la honte.


En thérapie, nommer cette intériorisation, la voir comme un héritage culturel plutôt qu'une faute personnelle, peut être libérateur. C’est aussi là que l’EMDR trouve toute sa place : dans la possibilité de revisiter ces moments de gel, de soumission, en accédant aux émotions profondes qu’ils ont laissées en traces.


Ce que le podcast révèle aussi, c’est l’incroyable capacité d’une communauté à fermer les yeux. Les amis, les voisins, parfois les enfants, savent ou pressentent, mais n’agissent pas. Ce déni collectif, Dorothée Dussy l’a longuement analysé à propos de l’inceste. Dans Le berceau des dominations, elle montre que la violence sexuelle, loin d’être un dysfonctionnement marginal, est un outil ordinaire de structuration des rapports sociaux. Et que le silence n’est pas une anomalie : il est le ciment du système.


En cabinet, il arrive que cette réalité résonne brutalement. Ce moment où quelqu’un dit : "je croyais que c’était normal", "personne n’a réagi", "je me suis sentie folle". Là aussi, la parole peut être réparatrice, non pour accuser, mais pour remettre du sens là où il n’y en avait plus.


Les voix croisées dans « Après Mazan » – qu’elles viennent du terrain médical, judiciaire, policier ou pédagogique – permettent de penser les violences sexuelles comme un fait total, au sens anthropologique : un phénomène qui engage toutes les sphères de la vie sociale. Emmanuelle Piet, médecin, rappelle à quel point l’accueil initial des victimes conditionne leur parcours de soin. Fabienne Boulard, major de police, raconte les efforts à fournir, même au sein des forces de l’ordre, pour faire exister la parole des femmes. Mathilde Levesque, enseignante, montre que les adolescents répètent ce qu’ils entendent, ce qu’on ne leur apprend pas à critiquer.


Le trauma se faufile partout : dans les mots, dans les silences, dans les couloirs des commissariats.


Le témoignage de Fabienne Boulard est particulièrement éclairant. Elle parle avec justesse de ce que cela coûte, en tant que femme et professionnelle, de porter cette parole dans une institution encore traversée par des logiques de suspicion ou de minimisation. Son engagement résonne avec ce que j’observe en consultation : le récit d’un dépôt de plainte mal reçu, d’un interrogatoire culpabilisant, d’une peur de ne pas être crue. Et, à l’inverse, le soulagement immense que procure une simple reconnaissance institutionnelle : “on m’a écoutée”, “je n’ai pas eu à me justifier”. Ces micro-expériences de validation sont fondamentales dans le travail de reconstruction.


En EMDR, elles deviennent parfois les “ressources positives” sur lesquelles le processus de désensibilisation peut s’appuyer : des moments où l’on a retrouvé un peu de pouvoir sur l’histoire.


Cette logique de revalorisation est aussi au cœur du travail éducatif que défend Mathilde Levesque. Enseignante de lettres, elle milite pour une école qui apprenne à penser le sexisme et les violences symboliques dès l’adolescence, non pas à coup de slogans, mais en développant l’esprit critique. Elle interroge la langue, les implicites dans les œuvres littéraires, les mots qu’on emploie sans les penser. Ce que dit Mathilde Levesque, c’est que les jeunes ne sont pas “déconnectés” ou “brutaux” par nature : ils répètent, parfois inconsciemment, des scripts culturels qui les dépassent. Et ils peuvent les déconstruire, à condition d’avoir les bons outils.


C’est un enjeu central en thérapie de couple. Lorsqu’un partenaire ne comprend pas pourquoi une phrase banale provoque chez l’autre une réaction disproportionnée, c’est souvent qu’elle entre en résonance avec un récit plus large, plus ancien. Travailler sur les représentations, les récits intérieurs que chacun porte sur la sexualité, sur la tendresse, sur la masculinité ou la féminité, c’est aussi cela : permettre une rencontre plus authentique, dégagée des scripts toxiques. Ce n’est pas toujours simple. Cela demande du courage, de la patience, de la curiosité pour l’autre – mais c’est profondément transformateur.


La série documentaire « Après Mazan » mais trace des lignes : entre la honte et la lucidité, entre la peur de voir et le courage d’agir. Elle met en lumière un système plus vaste que les seuls actes criminels, un système que nous avons tous, à des degrés divers, intériorisé.


En tant que thérapeute, je ne suis pas en dehors de ce monde. Mais je choisis, chaque jour, d’ouvrir un espace où il est possible de le penser autrement.


Vous avez reconnu quelque chose de vous dans ce récit ?

Peut-être pas dans les faits les plus extrêmes, mais dans les zones floues, les silences, les confusions. Ce « oui » qu’on a dit sans vraiment vouloir. Ce sentiment d’avoir été spectateur de soi-même. Cette gêne à poser des mots sur une expérience que personne autour de vous ne semble questionner. Peut-être que ce n’est pas la violence qui vous a blessé, mais l’absence d’écoute, de validation, de compréhension.


En tant que sexothérapeute, thérapeute de couple et praticienne EMDR, je reçois chaque semaine des personnes qui se demandent si « c’est grave », si « ça compte », si « c’est légitime d’en parler ». Je crois profondément que toute expérience qui laisse une trace mérite d’être accueillie, pensée, traversée. Qu’un trouble du désir, une tension dans le couple, une mémoire corporelle, un blocage sexuel ou affectif ne sont jamais des petites choses. Ce sont souvent les points d’entrée d’un récit plus vaste, que nous pouvons explorer ensemble.


La thérapie, ce n’est pas un lieu où l’on vient prouver que l'on souffre. C’est un lieu où l’on vient chercher un peu plus de clarté, de pouvoir sur sa propre histoire, de capacité à choisir — en conscience et en confiance — la relation que l’on souhaite entretenir avec soi, avec l’autre, avec son corps.


Je vous accueille dans un cadre bienveillant, confidentiel, respectueux de votre rythme. À Gap ou Sisteron, selon vos besoins.




Le consentement en question

 
 
 

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